Les films en général

Piège de cristal et Une journée en enfer auraient été drôlement pauvres s'ils avaient été filmés sous l'angle documentaire : une journée dans la vraie vie d'un vrai policier... The Wire était une super série, pourtant même avec son parti-pris réaliste, on sentait les coups de théâtre, la scénarisation, bref la fiction, qui faisaient qu'on restait.

Pas lu cette BD de Riad Sattouf, mais je fais confiance à l'auteur de L'Arabe du futur pour montrer un vécu avec un mélange de lucidité et de légèreté, à l'opposé du misérabilisme crispant et lourdingue que j'associe à L'Esquive.

Dagonides a écrit:

Pour les amateurs du Cyranoverse, il y a aussi :

De quel LVDELH est tirée cette fabuleuse illustration de Bob Harvey ? Défis sanglants sur l'océan ?

Loi-Kymar a écrit:

De quel LVDELH est tirée cette fabuleuse illustration de Bob Harvey ? Défis sanglants sur l'océan ?

Non, de : Edmond des Profondeurs.


Ajout à ma critique du Panache : je me rends compte que mon enthousiasme est le même que face à un autre film récent, pourtant très différent en apparence, Anora. Sans doute car dans les deux cas ce sont des fictions qui, sans être hors sol ni partir dans des mondes imaginaires, refusent la grisaille et le refermement. Pour y préférer quelque chose d'ouvert, une voie vers un bonheur. Et c'est bienvenu dans une période plombante.


Ajout bis : un article récent du Monde sur les jeunes volontaires espagnols dans les régions sinistrées par les inondations, et qui va a contrario du portrait que je brosse d'une jeunesse fragile. En Espagne, on parle apparemment de la "génération de verre". Ceci dit, l'article ne prétend pas être une enquête, c'est plutôt un billet d'humeur.
https://www.lemonde.fr/international/article/2024/11/26/a-valence-la-lecon-de-solidarite-des-jeunes-espagnols_6414594_3210.html

     Je suis très très peut cinéma et c'est rare que je regarde des films à la télé...du coup hier soir en zappant pendant que je mangeais, je suis tombé sur le film "Buried" (sorti en 2010 de Rodrigo Cortés)...et comme je suis très peut cinéma et télévision, on va dire que même si les films sont sortis il y a des années, pour moi c'est de l'inédit lol...

Où un mec en Irak, se fait enlever par des gens, qui pensent avoir affaire à un soldat américain et qui vont le mettre dans un cercueil en bois pour ensuite le foutre sous terre, quelque part on ne sais où...avec seulement quelques objets avec lui, comme une lampe, un couteau, une flasque d'eau, 2 tubes phosphorescent, etc...et un téléphone avec les 3/4 de la batterie...la demande des ravisseurs est claire...5 000 000 où la mort...

Et dans ce film, il n'y a qu'un seul et unique acteur et ça se passe exclusivement dans le cercueil...les autres acteurs sont présents uniquement à travers leurs voix au téléphone (à part à un moment où on voit une vidéo d'une otage envoyé pour faire craquer le personnage)...et mine de rien, c'est suffisamment prenant pour ne pas se faire chier...on ressent même une certaine claustrophobie (et pourtant, je ne suis pas sujet à ça)...même si il y a des trucs surréaliste dans ce film, comme la présence d'un serpent à un moment (alors que la boite est sous terre et qu'à priori lors de l'inspection de cette dernière, il n'y a aucun trou) et que le mec arrive à respirer alors qu'il utilise fréquemment un briquet...la fin aussi est surprenante, je pensais pas que ça se terminerait comme ça...

Le genre de film huis clos à la Alfred Hitchcock...en tout cas en lisant la page wikipedia du film, je comprend pourquoi ce film a demandé pas beaucoup de budget pour être tourné et le faible nombre de jours de tournage...^^

En parlant de huis-clos, je m'étais promis de voir Le Dernier Voyage du Demeter (2023, Øvredal). Mais c'est d'un ennuiiii ! Je n'en suis qu'au tiers et tout est lourdement prévisible.


En fait on a l'impression de retrouver des éléments piochés dans l'épisode 2 de la mini-série Dracula de Moffat et Gatiss (2020), éléments absents du roman de Bram Stocker qui est la source. La scène de transfusion s'inspire platement de celle du film Dracula de Coppola (1992). Le reste n'est que clichés de films d'horreur : avertissements multipliés jusqu'à l'absurde au port avant le départ, personnages qui arrivent par derrière et posent brutalement la main sur l'épaule au lieu de juste dire qu'ils sont là...

Pour ne rien arranger, la VF est massacrée : Liam Cunningham (le capitaine, vu dans Game of Thrones) n'a pas son doubleur habituel... Le mousse est doublé par une femme... Les diverses nationalités des marins devraient s'entendre à des accents, presque absents. Le son est curieusement "plat", comme mal spatialisé (j'ai même vérifié les réglages de ma TV pour être sûr que ça ne venait pas de là).

La visite du navire, vrai micro-univers, sonne très réaliste, avec les animaux de bord, les recoins... Mais très vite, moi qui lis souvent des romans de mer, je détecte des invraisemblances...
les marins qui parlent au capitaine comme à un pote (un navire même petit est en fait un monde très hiérarchisé)
la présence d'un médecin noir diplômé de Cambridge sans que ça arrache de remarque à quiconque dans l'exposition (alors que c'était pas banal en 1897 + univers des marins pas spécialement ouvert d'esprit)
la passagère clandestine a une "infection", qu'on soigne par des "transfusions", pas logique. Et pas sûr que même fin 19ème on soignait comme ça, surtout sur un navire
le vent qui n'arrache pas un frémissement aux voiles, d'ailleurs on ne voit quasi jamais personne les manoeuvrer
un bateau supposé filer "12 noeuds" d'après le second, vitesse en fait inaccessible à un petit cargo à voile...

Reconnaissons une belle photo. La scène d'intro avec les policemen choqués, puis le départ du navire, sont l'occasion de quelques élégantes prises de vue, très réussies. Et le navire est construit et décoré de manière à évoquer un vrai décor gothique ! Même l'ouverture des caisses est presque comme la découverte d'un passage secret. Il y a un petit travail de foreshadowing réussi, le mousse annonce sans le savoir la manière dont mourra un des persos, et l'importance du code fait de deux coups pour attirer l'attention... Un discret sous-texte anti-religieux : la croix ne fait rien au vampire, le cuisinier très croyant se place sous le patronage de Saint Nicolas, autant dire du Père Noël...

EDIT : la fin ouverte n'est pas mal.

Dagonides a écrit:

le cuisinier très croyant se place sous le patronage de Saint Nicolas, autant dire du Père Noël...

Déjà non, les deux non rien à voir, surtout à l'époque citée, et Saint Nicolas est aussi le patron des marins donc pas d'incohérence là.

J'ai regardé par curiosité sur le Net cette histoire de transfusion et on y apprend des choses étonnantes.

- Les premiers à en faire mention sont les anciens égyptiens... Sans plus de précision, sinon qu'ils utilisaient du sang animal.
- En 1818, les premières transfusions de sang d’humain à humain ont lieu mais avec un résultat mitigé puisqu'on ignore à l'époque les différents groupes sanguins.
- C'est en 1900 que sont identifiés les différents groupes sanguins. A partir de ce moment-là, les transfusions deviennent courantes, se perfectionnant au fil du temps.

Donc effectivement, si l'action se passe fin XIXème, c'est en partie anachronique : la transfusion existait mais comme on ignorait les groupes sanguins, elle ne devait pas toujours réussir et ce devait être une opération compliquée, avec un matériel spécifique, peu crédible sur un navire. Et en plus, il faudrait un médecin formé à cette pratique.

Pour Saint-Nicolas, il est particulièrement célébré dans les pays de l'est et l'église orthodoxe sauf erreur. Donc, si le cuistot en question est russe, slave ou d'Europe de l'est, c'est cohérent.

Le cuistot est asiatique... Dans l'interprétation que je fais (qui n'engage que moi), qu'importe l'époque, qu'importe que le rapprochement Saint Nicolas / Santa Claus / Père Noël, n'existerait que pour nous, et pas pour les personnages du film. Le cuistot, seul personnage religieux du bateau, est la cible du scénariste qui veut le caractériser comme un s*laud (il menace d'affamer ceux qui ne croient pas comme lui, il fuit seul avec l'unique canot en abandonnant les autres...). En lien avec le fait que les croix, testées par d'autres personnages, ne font rien au vampire, se devine une intention, un propos, un sous-texte dans le film. Propos qu'on n'est pas forcés d'accepter.


Dans la thématique religieuse, je sors de Conclave, qui m'a paru le film parfait pour patienter en attendant le vote de la motion de censure ! Sauf que, surprise, ce film d'Edward Berger me rappelle moins les bancs de l'Assemblée que... Fleurir en hiver, AVH puis LDVELH de Romain Baudry. Le poids des pompes et des traditions, le héros qui vivait dans l'ombre du pouvoir et se retrouve à devoir jouer finement, des galeries de personnages étonnants qui tentent de s'emparer dudit pouvoir, le héros qui doit interagir avec eux, choisir qui aider, accumuler des pièces d'argent / des voix...


L'intrigue semble simple, mais le spectateur moderne a appris à être attentif aux détails. Au départ, le pape mort laisse derrière lui des tortues et un échiquier. Et...

Spoiler:

Quelques plans extraordinairement graphiques, comme le plan zénithal montrant les cardinaux en rouge, tous avec les mêmes parapluies blancs, avancer en silence dans la même direction. Ou l'opposition entre un plan d'escalier de marbre ultra-imposant, versus un autre plan d'escaliers miteux construit en exact inverse, une minute ou deux plus tard. Ces deux plans servant à caractériser deux candidats : celui qui descend est un pur produit de la Curie, et celui qui monte et vient de la France d'en bas, si j'ose dire.

La fin, elle, est en quelque sorte l'inverse de celle de Saltburn, dans sa morale (ici ça se termine bien) comme dans son déroulement (pas d'explication finale assénée au spectateur, il doit deviner lui-même). Un autre élément de ce même final rappelle une AVH de Gyno, mais je n'en souffle pas davantage.

En dépit de mon indifférence totale envers tout ce qui est religieux (paganisme excepté), Conclave m'intéresse. D'après le trailer et ce que j'en ai vu ici et là, le film semble réussi esthétiquement, j'aime bien les ambiances "intrigues de palais", les coups bas feutrés et les dialogues ciselés. Et puis, on aborde là un sujet mondialement connu et très mal connu, le fameux rituel du conclave, avec ses rites séculaires et ses fastes. S'y ajoutent quand-même Ralph Fiennes, Stanley Tucci et Isabella Rossellini, trop rare sur grand écran.

Voyageur Solitaire a écrit:

Donc effectivement, si l'action se passe fin XIXème, c'est en partie anachronique : la transfusion existait mais comme on ignorait les groupes sanguins

Ceci dit, il y a une vingtaine d'années, au cours d'une discussion sur un forum de médecine sur Usenet, un responsable d'EFS disait que si sa propre vie dépendait d'une transfusion (risque vital, c'est ça ou la mort), bin statistiquement, il considérait qu'une transfusion en aveugle (sans connaître le groupe sanguin) n'était pas débile (puisqu'on a une chance que les groupes soient compatibles, vs une mort assurée).

Rapporté à une époque où on ne connaît pas les groupes sanguins, ça donne : une chance de guérison « miraculeuse » face à une mort assurée.

Effectivement, dans ce cas extrême, tu avais quand-même une chance sur deux : soit ton groupe était compatible avec celui du donneur et tu t'en sortais, soit il ne l'était pas et c'était la mort.
La seule différence, c'est qu'à l'époque, quand ça foirait, ils ne savaient pas pourquoi.

En repensant à la métaphore du jeu d'échec dans Conclave, je me dis que + on creuse, + ça fait sens (comme la mythologie dans Saltburn). Il y a un plan au début avec une cour dallée où les cardinaux arrivent, ça fait pièces qu'on dispose sur un échiquier. Il y a l'opposition blanc-noir, concrète, puisqu'il y a entre autres les Italiens tradi contre les cardinaux africains. On pourrait sans doute associer le fou (ou évêque, en anglais !), le cavalier et la tour à divers candidats, en cherchant un peu. Surtout, il y a bel et bien...

Spoiler:

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Voyageur Solitaire a écrit:

Effectivement, dans ce cas extrême, tu avais quand-même une chance sur deux

Je ne me souviens plus des chances exactes. Ça dépend de la répartition des groupes sanguins (et donc en partie de l'ethnie), sachant que les AB+ sont receveur·euses universel·les, et les O– courent vers une mort quasi certaine...

Vu Leurs enfants après eux, film de Ludovic et Zoran Boukherma, adapté du roman goncourisé de Nicolas Mathieu.


Dans la Moselle des années 80 puis 90, les destins de plusieurs personnages, liés par une seule chose : un croche-patte fait en traître lors d'une fête d'ados, durant une journée façon Ferris Bueller en plus provincial. A partir de là, les événements s'enchaînent, et vont d'abord vers un crescendo de violence, avant de s'apaiser juste avant la finale de coupe du monde 98. Ce moment black-blanc-beur fait sens dans l'histoire, car les deux personnages principaux sont le crochepatteur, Anthony (Paul Kircher), et le crochepatté, Hacine (Sayyid El Alami). Y a aussi une sombre histoire de moto volée (au lieu de la Ferrari de Ferris Bueller), et une meuf compliquée.


Une fresque qui montre les différences sociales, d'abord pas trop, trop sensibles au moment où les personnages sont ados, puis qui sont de plus en plus visibles à mesure des époques qui se succèdent. Bien sûr l'idée-phare est dans le titre : la reproduction sociale, la quasi-impossibilité de s'arracher à son milieu. Par exemple, la copine temporaire d'Anthony est le sosie de sa mère, et on croit comprendre sur la fin que le rapport Hacine-Anthony est le même que celui entre leurs pères respectifs, avant que l'usine qui faisait bosser tout le monde ne ferme.


Paul Kircher remplit le rôle principal, celui d'Anthony. C'est un jeune acteur qui frappe par sa "physicalité" (pas par son physique, le BG de la famille c'est plutôt son frère Samuel, impressionnant dans le vénéneux et ensorcelant L'Eté dernier). Physicalité, un mot que j'ai pioché dans une critique en anglais de la série Better Call Saul. Ici, c'est le fait que dans quasi tous ses films, le jeu de Paul Kircher passe par son grand corps dégingandé, et non par les traits de son visage. J'avais repéré cette "présence" vraiment inhabituelle dès Le Lycéen de Christophe Honoré, et depuis je suis ce qu'il fait. Comme souvent, il joue un rôle de chien battu, il encaisse maladroitement du début à la fin.


On pense un peu à Marvin ou la belle éducation pour les familles de prolétaires, le racisme ordinaire... Et au plus classique Kes : mêmes plans qui montrent l'usine bouchant l'horizon au propre comme au figuré, écrasant tout, servant de centre à tout. Presque un trou noir qui retient les personnages, les empêchant de fuir sa vue, même s'ils ne cessent d'essayer : l'armée, retourner au Maroc, le rêve d'aller à Austin (Texas), l'ouverture absurde d'une piste de ski d'été avec neige artificielle...

Je recommande ce film.

Je me suis finalement laissé tenter... Ralph Fiennes (qui vieillit aussi bien qu'un bon vin) avec Isabella Rossellini, ça ne se refuse pas.

Sur sa carte de visite, le film d'Edward Berger propose un menu alléchant : un casting impeccable, une photographie superbe, et surtout, un monde clos, connu du monde entier et à la fois mystérieux, propre à tous les phantasmes, le Vatican. Le plus petit état de la planète mais dont le souverain (pontife) "règne" sur des milliards d'individus. Là, technologie et modernité côtoient les rites les plus séculaires, le tout dans une pompe fastueuse, impressionnante. Un univers feutré, discret mais où, si l'on avance à patte de velours, les protagonistes ouvrent parfois grande la gueule et montrent les crocs. Ajoutez à cela une enquête autour d'une cérémonie sans doute parmi les plus mystérieuses au monde, le conclave, réunion des cardinaux venus élire un nouveau pape.

Le film m'a séduit par ce contraste entre l'ancien et le moderne.
On découvre des rites séculaires, des fastes et un cérémonial imposants, le poids étouffant des traditions, des rituels, dans des décors grandioses. Le tout sublimé par la photographie du film (réalisée par un français) avec ces gammes chromatiques, ces marbres polychromes, ces vues en plongée, la pourpre cardinalice qui se détache sur le blanc du marbre. La scène en plongée avec les cardinaux en rouge sous leurs parapluies blancs est déjà virale.
Mais à côté de ça, on voit les sœurs débarquer en bus, les cardinaux arriver avec leurs valises à roulettes, en train de fumer, de passer les portiques de sécurité, rire, bavarder... Ce sont des cardinaux mais aussi des hommes. Et, on va vite s'en rendre compte, des hommes parfois peu enclins à pratiquer l'amour du prochain ou qui ont oublié ce qu'ils ont lu dans les Evangiles...

Car c'est bien une lutte pour le pouvoir qui s'annonce. On découvre une véritable cour, avec ses clans, ses factions, ses luttes d'influence. Derrière les portes verrouillées, les volets baissés, dans le silence feutré des salles de marbre, les coups bas s'enchaînent. Au milieu de tout ça, notre Ralph Fiennes, cardinal sympathique, honnête, sincère, bombardé malgré lui maître de cérémonie et pasteur de ce troupeau qui ne compte pas que de blanches brebis... Et qui, pour corser le tout, va découvrir un secret mystérieux et explosif, laissé par le pape qui vient de mourir.

J'ai beaucoup aimé Conclave, vraiment un bon film.
Le casting est impeccable, ils jouent tous bien, la musique est bien adaptée sans être lourdingue ou étouffante, la photographie est superbe de même que les costumes et l'ambiance ne pourra que plaire aux amateurs d'intrigues feutrées, de dialogues ciselés d'où jaillit parfois une pointe mortelle. Le tout dans un monde clos, ritualisé, que l'on croît tous connaître et dont en fait, on ne sait rien. Ralph Fiennes domine le film, sincère mais progressivement tiraillé lui aussi, en proie à des sentiments et des émotions contradictoires, le tout sous l'œil du Jugement dernier, le chef-d'oeuvre de Michel-Ange qui fait face à l'assemblée des cardinaux et pas pour rien.
(A ce propos, la reconstitution de la chapelle Sixtine est très bonne, même pour moi qui l'ai visitée. Certes, j'ai souri en reconnaissant à un moment le grand escalier du palais Caserte de Naples qui m'a rappelé des souvenirs de voyage mais bon... On l'a bien vu comme décor du palais de la reine Amidala dans Star Wars, alors...)

Le film montre une Eglise en proie aux luttes pour le pouvoir, aux ambitions, aux calculs et où sexisme, racisme, homophobie et autres rôdent dans les couloirs. Une Eglise qui étouffe sous le poids des siècles, empêtrée dans ses contradictions, tiraillée et même déchirée entre plusieurs aspirations, entre passé et modernité. Le film n'est pas une charge anti-cléricale, du moins à mon avis : Berger nous rappelle simplement que tous ces cardinaux, ces hommes de foi, sont avant tout des hommes comme les autres et que l'Eglise est devenue une institution, un pouvoir politique (rappelons que le pape est un chef d'état et le Vatican un état souverain).

Des défauts ?
La fin.
Alors, sans spoiler, pas forcément la fin en tant que telle, bien que je pense qu'elle reste peu crédible et qu'il y aurait vraiment peu de chances qu'elle puisse se produire lors d'un prochain conclave. Une fin qui va clairement provoquer la polémique et j'espère qu'elle n'en viendra pas à occulter tout le reste du film. Non, ce qui me dérange, c'est qu'elle m'a clairement donné l'impression que le réalisateur ne savait pas comment finir son film et qu'il y est allé aux forceps, de manière brutale, abrupte. Comme une mélodie entraînante que l'on fredonne, les yeux clos et qui s'arrêterait d'un coup, sans prévenir. C'est mal amené, ça surprend et dans le mauvais sens. Vraiment dommage.

Intéressant : tu abordes Conclave par tout ce qui contribue à créer une atmosphère et des effets, moi je tentais de prendre le film par un autre coin, celui de la structure du récit. Sachant que la création d'atmosphère dans un cadre historique est ce que recherches dans tes AVH.
Les retours sur les films traduisent peut-être... la manière dont on aime écrire nos propres fiction

La fin de Convlave est en effet invraisemblable. Mais après avoir admis durant tout le film l'existence d'un puissant courant d'opinion libéral parmi les cardinaux, disons qu'on est prêt à accepter ce retournement comme satisfaisant.

C'est certain, je suis d'abord sensible à l'atmosphère, à l'ambiance et à l'esthétique du film en général. Et c'est effectivement ce que je mets en avant dans mes AVH où là, on parlera d'immersion.

Ici, je dirais que Berger joue sur du velours dès le départ avec :
- le lieu : le Vatican et ses supposés mystères, lieu de phantasmes depuis longtemps, monde secret et feutré.
- l'évènement : le conclave, cérémonie dont on croit tout savoir (la page wikipedia est bien fournie) alors qu'en fait, on n'en sait rien. Pour rappel, les cardinaux sont alors isolés dans un lieu particulier, enfermés, portes verrouillées et volets fermés, sans aucun contact avec l'extérieur et ce, jusqu'à ce qu'ils aient élu un nouveau pape. Donc concrètement, on ne sait rien de ce qui se passe ou se dit vraiment lors du conclave.
Rien qu'avec ça, il y a une sacrée matière à intrigue et de quoi titiller la curiosité du potentiel spectateur. En rajoutant un excellent casting et une bonne manière de filmer le tout, c'est la cerise sur le gâteau.

Voyageur Solitaire a écrit:

Donc concrètement, on ne sait rien de ce qui se passe ou se dit vraiment lors du conclave.

Ca se joue en un tournoi sur Mario Kart je crois.

Albatur a écrit:

Ca se joue en un tournoi sur Mario Kart je crois.

Ou comme dans un vieux sketch des Guignols sur l'élection de Jean-Paul II : le dernier cardinal éveillé autour de la table, gagne.


J'ai appris par la chaîne youtube de Durendal l'existence du film Here, nos plus belles années de Zemeckis, avec Tom Hanks. Surprise, aucune salle ne le diffuse en Alsace ! En fait il semble assez mal distribué. Par chance, un cinéma vosgien à portée de voiture en assurait quelques projections, à condition de faire un peu de route de montagne. Il n'y avait qu'une demi-douzaine de personnes dans la salle, et la bénévole à la caisse m'a offert l'affiche grand format pour ma peine !


Le concept : une caméra rigoureusement fixe, montrant le même lieu durant tout le film, mais à travers les époques. Un aperçu du temps des dinosaures, puis on saute assez vite aux deux derniers siècles. On voit les forêts peuplées d'Amérindiens se déboiser, une maison de maître être construite, des troupes britanniques puis insurgées qui passent, les fondations d'une maison se creuser vers 1900... Des murs apparaissent, et on est dans le salon d'un pavillon de banlieue de classe moyenne, où les générations et les nouveaux propriétaires vont se succéder.


L'idée rappelle un peu ces romans qui explorent un immeuble, non pas époque par époque mais appartement par appartement, comme Pot-Bouille de Zola, ou La Vie mode d'emploi de Pérec. Le hasard veut aussi que mon propre livre-jeu Perdu dans le temps fonctionne sur un concept proche, avec une montagne qui rapetisse au fil des siècles.

Dans Here, les transitions se font par l'ouverture de cadres dans l'image, à la 24h chrono, sorte de fenêtres sur une autre époque. Par un fondu ou un agrandissement, elles font passer d'une époque à une autre. Bien entendu on s'aperçoit de lien subtils, par exemple la grippe espagnole au début du XXe et le Covid au XXIe, avec les mêmes masques et les mêmes conséquences. La figure de Benjamin Franklin est aussi un lien (ne serait-ce que par les orages !), et la présence d'un petit site archéologique amérindien dans le jardin.


Au milieu de quelques intrigues secondaires, l'histoire principale est celle articulée autour de Tom Hanks et Robin Wright (déjà en couple dans Forrest Gump de Zemeckis aussi). Son enfance, avec un père ancien militaire mal dégrossi mais de bonne volonté. Ses espoirs artistiques déçus. Sa petite vie ordinaire de cadre ordinaire. Mariage, enfants, dettes, joies, chagrins. La vieillesse, les liens qui se défont et se refont. On ne s'ennuie jamais, l'art du scénariste et celui du monteur font toujours en sorte qu'une scène ne s'éternise pas inutilement. On installe l'émotion, on raconte, et on enchaîne sans se précipiter ni traîner. Une masterclass.

Au passage, une des petites intrigues montre l'invention du fauteuil inclinable-convertible, apparemment un clin d'oeil au genre de la sitcom en décor fixe (donc le même dispositif que Here), puisque ce fauteuil apparaît dans la fameuse série Friends. L'évolution de la TV, cette "radio avec des images", est d'ailleurs montrée discrètement.

Je ne dis rien des techniques de rajeunissement et de vieillissement des acteurs et actrices, on aurait sensiblement fait la même chose avec et des prothèses et des doublures il y a 20 ans, et le film n'en aurait ni moins bon ni meilleur. Voir par exemple Retour vers le futur du même réalisateur, qui donne l'impression de livrer ici un récapitulatif de sa filmographie. Un bon effet spécial ne se voit pas, et la prouesse technique ne devrait pas masquer l'essentiel, la réussite du concept et de l'écriture de ce très bon film expérimental  


Bémol pour la VF : à deux reprises de grands adolescents masculins sont doublés par une voix française très manifestement féminine (sans que ça fasse sens dans l'histoire, c'est manifestement une économie de bouts de ficelle). J'avais déjà remarqué le problème pour un autre film récemment.  Ils n'ont plus d'ados ou de jeunes adultes chez les doubleurs ou quoi ?!

Dagonides a écrit:

J'ai appris par la chaîne youtube de Durendal l'existence du film Here, nos plus belles années de Zemeckis, avec Tom Hanks. Surprise, aucune salle ne le diffuse en Alsace !

Normal visiblement il fait un bide au box office. (justifié, injuste ? je ne sais pas je n'ai pas été le voir)

Le doublage d'enfants ou d'ados masculins par des voix féminines, c'est courant et ça ne date pas d'hier.
Dans Goldorak par exemple, le jeune Mizar est doublé en français par une femme. C'est assez courant dans bon nombre d'animés de l'époque.

Oui, tout le monde le sait. Pour des voix d'enfants et de jeunes ados. Par des femmes qui donnent un timbre un peu unisexe à leur voix. Télémaque, Sangoku, tout ça. Les confusions de sexe quand c'est pas clair comme Shun ou le chevalier d'or des Poissons, etc. etc.

Mais là je parle de grands ados qui se retrouvent avec très clairement une voix de jeune femme. Sinon je n'en aurais pas parlé.

Ah merde, Télémaque j'avais pas fait gaffe.
Mais maintenant que tu le dis...