Les Portes Interdites 1 - L'Horreur dans la Vallée

En attendant un hypothétique retour des Portes en voici tant que j'y pense des portes d'entrée par le PDVELH :
qui a également couvert la suite.

Puisque Lowbac a mis en ligne l’épisode du PDVELH sur L’Horreur dans la Vallée, je me permets d’ajouter les commentaires que j’en ai rédigé sur leur site.

D’abord avant l’audition :

L’Horreur dans la Vallée compte parmi les plus anciens LDVELH que j’ai lus, et il s’agit de mon tout premier « non DF ». J’avais été marqué par son ton plus adulte et son arrière-plan plus « réaliste » (il prend pour cadre le Pays de Galles contemporain), qui tranchait avec la « fantasy » de Jackson et Livingstone.

Mais j’avoue que dans un premier temps, de nombreux défauts m’ont rebuté, avant que je n’en saisisse et m’en délecte de la substantifique moelle.

Ainsi, l’édition Folio que j’ai lue est truffée d’erreurs de renvoi, qui rendent la lecture pénible.

Concernant le genre, il relève un peu du fourre-tout, puisque l’auteur mêle les légendes celtiques, l’horreur, la science-fiction, le tout saupoudré d’un esprit à la Indiana Jones.

Ce livre-jeu souffre également d’une certaine linéarité : le lecteur subit la même succession de scènes incontournables, et celles-ci n’offrent souvent que peu d’alternatives. (Je me rappelle par exemple de l’exploration de la mine, qui paradoxalement se révèle finalement une ligne droite.)

S’il propose des règles innovant quelque peu (avec des points de santé physique et des points de santé mentale), il pèche par une lourde difficulté statistique : beaucoup trop de tests inévitables mortels et de combats presque ingagnables, une obligation, pour avoir une chance de s’en sortir, d’éviter autant que possible les confrontations (qui pour la plupart ne nous apportent d’ailleurs rien) et de tirer d’emblée pour son personnage des caractéristiques quasiment maximales.

(Bon, le fait qu’il soit plus judicieux de fuir les monstres plutôt que de les affronter colle assez bien au contexte, et empêche de faire sa tête brûlée : on doit bien réaliser que nous nous mesurons à des forces qui nous dépassent et qu’on ne doit pas chercher à défier.)

Mais en fin de compte, après que L’Horreur dans la Vallée me fut tombé des mains à maintes reprises, je lui ai trouvé un certain intérêt, ne serait-ce que parce qu’il constitue, de par son dirigisme et la richesse de son background, un genre de semi-roman, un peu comme les Loup*Ardent.

En fait, le point fort de ce livre consiste en son ambiance. J’avoue avoir été pris par l’atmosphère oppressante de ce village gallois coupé du monde, étouffant sous une brume opaque presque palpable d’où l’on ne sait quelle horreur jaillira (être protéiforme, mutants décomposés, monstres à tentacules ou gicleurs de bave). Même nos rêves y sont envahis par des hordes de damnés et autres esprits follets. Tout semble se décomposer dans cette atmosphère délétère. Certains humains deviennent psychiquement asservis ou tombent dans la folie. Le sol de la mine est verdâtre et gluant. Nous sommes agressés dans notre chair et dans notre esprit.

Je me souviens de scènes marquantes. La confrontation avec un « alter ego » végétal, la rencontre en rêve de Merlin, le siège nocturne de la maison par des genres de zombies, l’affrontement psychique contre l’Exogène, le combat dans un wagonnet contre des mutants, ce PFA dans lequel on se réveille au sein d’un institut d’aliénés, voire le paragraphe final sous forme de cliffhanger.

D'ailleurs, le second épisode de cette série, Terreur hors du temps constitue une suite bien sentie et mieux menée, comme si les auteurs, Clive et Ian Bailey, avaient su remédier aux défauts du premier opus.

Puis après :

Je partage vos approbations : contexte original dans l’univers de la littérature interactive, ambiance glauque plutôt bien rendue, aventure pertinemment découpée par des journées au terme desquelles on se requinque dans la maison de Petrie Smith, règles originales et collant bien à l’esprit lovecraftien, avec la gestion de la santé mentale en sus de la santé physique (et donc une panoplie d’armes occasionnant des dégâts, soit au corps, soit à l’esprit), scènes vraiment prenantes. (Tout comme vous, j’avais par exemple été marqué par cette longue attente en rêve de la Horde des Damnés, dans un paysage crépusculaire, qui s’achève par un combat difficile contre deux démons, dont les lances nous enlèvent des points d’Endurance ET de Résistance.)

Le synopsis de L’Horreur dans la Vallée m’a fait penser à celui des Tommyknockers de Stephen King, dans lequel un gigantesque vaisseau spatial semi-conscient, enseveli depuis des millénaires sous un village du Maine, se « réveille », asservit mentalement les villageois (qui s’en transforment même physiquement) et les contraint à le libérer en le déterrant.

Et je vous rejoins également sur vos réserves : linéarité de l’intrigue (avec trop de paragraphes qui s’enchaînent sans choix, notamment les premiers), pauvreté des descriptions (qui brident l’immersion et l’orientation, rendent lassantes l’exploration de certains endroits) et par conséquent, le sentiment pour le héros de subir les événements plutôt que de mener une véritable enquête. Une panoplie de compétences, qui nous auraient permis d’examiner et d’approfondir des indices pour avancer, eût en effet été la bienvenue, alors que notre réussite est trop souvent conditionnée par des jets de dés (deux épreuves loupées consécutivement signifiant presque toujours un PFA).

A ce sujet, vous évoquez judicieusement la difficulté statistique du livre, avec ces caractéristiques de base qui, calculées sur le jet d’un D6 + 3, se révèlent clairement en notre défaveur, étant donné la puissance des créatures que nous affrontons (d’autant que les possibilités de se soigner ne me paraissent pas nombreuses, en dehors de la récupération en chaque fin de journée). Comme le mentionne Xavier, il ne faut pas espérer s’en sortir en « roulant » de base une caractéristique en-dessous de 7. (Je vous ai déjà raconté comment j’ai galéré pour terminer le livre avec une Dextérité de 6.)

Si les combats prennent en effet du temps (pas autant que ceux des Loup*Ardent, tout de même), ils s’avèrent en outre difficiles (presque autant que ceux des Loup*Ardent, c’est dire). La première créature que nous affrontons par exemple, notre double végétal, possède exactement les mêmes caractéristiques que nous. Même si nous l’emportons, nous morflons passablement, et nous perdons presque tous nos points d’Endurance dès le début de l’aventure. C’est pourquoi il vaut mieux la fuir, comme il est impératif d’esquiver tout au long de l’aventure le maximum de combats, d’autant qu’ils ne nous apportent aucun avantage. (A ce dont je me souviens, cette créature avec laquelle Xavier a joué à saute-mouton est quasiment impossible à vaincre.)

Le PNJ de Lucy, la fille de Petrie-Smith, demeure falote, et aurait incontestablement mérité un approfondissement, d’autant qu’elle est clairement présentée comme notre « petite amie » (statut peu fréquent dans ces livres-jeux pourtant destinés aux adolescents). Elle se bornera à jouer un rôle d’ange gardien silencieux, qui nous nourrit, nous soigne, nous donne un objet utile. (Hélas, contrairement à son père, elle ne reviendra pas dans le second volume.)