Nombre de messages : 399 Localisation : Vinyamar Date d'inscription : 19/11/2012
Sujet: L'accessibilité aux nouveautés Lun 27 Déc 2021 - 18:05
Dans le sujet Quel collectionneur êtes-vous, je reviens un peu sur mon parcours de collectionneur de LVH et sur mon choix de me concentrer sur les nouveautés.
Je pensais que ce serait un voyage tranquille, bien plus facile en tous les cas que celui aléatoire du marché de l'occasion. Sauf que...
Rien n'est jamais ni tout rose, ni vraiment simple.
Avant d'aller plus loin, je tiens à préciser que les remarques qui suivent ne sont pas des reproches, des anathèmes furieux ou de la vile détestation, mais simplement un drôle de constat qui m'interroge en essayant d'en comprendre les causes, voire d'en trouver, si ce n'est des solutions, du moins des pistes de réflexion.
Mais quel est le soucis ? Et bien que le neuf s'épuise plus vite que la patience du Grand Moff Tarkin et que l’accélération de la société et des modes de consommation rendent les offres éphémères, comme si les paradigmes de l'art contemporain avaient contaminés le capitalisme moderne.
Nous savons tous aujourd'hui, plus ou moins inconsciemment, que l'avènement du numérique a fragilisé davantage encore les milieux de l'édition, ce que l'ère de la photocopie avait déjà partiellement commencé à mettre à mal. Sans rentrer dans les détails, disons simplement qu'il est devenu plus difficile d'éditer un livre qu'avant. Ou, à tout le moins, plus hasardeux, surtout en terme de rentabilité. Je ne suis évidemment pas certains des conséquences qu'il faut en tirer, mais je constate deux choses.
1/ Que les très grandes maisons d'édition, qui ont des reins particulièrement solides et qui peuvent s'appuyer sur des titres effroyablement plébiscités pour s'assurer d'une manne financière régulière, rechignent, voire s'interdisent, à republier des titres qui furent modérément ou peu vendeurs. On peut les comprendre. Même une grosse maison d'édition voit d'un mauvais œil l'idée de publier à perte. Cela peut arriver, mais pour des titres ou des genres particuliers, comme la poésie, le livre politique, ou simplement pour des raisons de coup de cœur ou de rencontre avec un auteur. Comme le dit FibreTigre dans la vidéo Les livres dont VOUS êtes le héros sur « Rôliste TV », le public des LVH, c'est 1000 personnes. Ce n'est donc pas assez pour prendre le risque de publier ou de republier des titres qui se sont mal vendus. Mais au-delà de ce chiffre, c'est aussi faire le constat que le LVH est encore un secteur de niche et que sortir un livre interactif, ce serait prendre un risque. D'où ma supposition de limiter le stock - qui coûte toujours de l'argent. On tire à 500, 1000, 1500 exemplaires et puis c'est bon. Résultat, chez Gallimard (on parle de Gallimard, une des plus grosses maisons d'édition en France), dans les V4a et les V5, il y a déjà des ruptures de stock. C'est ainsi que Les sept serpents commence à se trouver au marché de l'occasion entre 48 et 80 euros ; et que La traversée infernale (publié il y a moins de deux ans) se trouve sur A... en occasion à 200 euros. Les gens ! Un peu de sérieux. Mais cela donne une idée de l'état du marché.
Or, ce problème de stock, s'il apparaît de temps en temps chez Gallimard, semble malheureusement récurrent pour des maisons d'édition plus modestes (et en partie associatives) comme le sont Alkonost et Posidonia. Si je prends Alkonost comme exemple (qu'ils me pardonnent), sur les quelques 15 titres qu'ils proposent dans leur catalogue, 4 sont épuisés. Soit 26, 27 % de leur catalogue. Et c'est d'autant plus problématique lorsque le titre en question concerne une série « à suivre ». Il me semble évident - mais je peux me tromper - que la raison principale est la capacité d’investissement, et donc les stocks constitués, relativement faibles, qui en quelques mois ou quelques années, vont s'épuiser, rendant titres et séries de nouveaux indisponibles. Pour toujours ? Premier inconvénient, si l'on veut être sûr de pouvoir un jour lire un titre, il est nécessaire de l'acheter là, maintenant, tout de suite, et pas dans deux mois. Ce que tout le monde ne peut évidemment pas faire. Ce qui a aussi pour corollaire, sur ces titres récents, l'effroyable difficulté de les trouver en occasion. Ceux qui les achètent sont, souvent, des passionnés. Ils ne les revendent donc pas. Et le peu qui sera disponible, à cause de cette idée de rareté, atteindra rapidement des prix prohibitifs (Fleurir en hiver : 43 et 75 euros).
Qu'est-ce que cela sous-entend ? Que le lecteur de LDVELH doit, sauf sur certains titres, soit bondir sur les nouveautés (et donc avoir les fonds nécessaires dans les 6 mois, tout en restant réactif aux annonces de parution), soit au moment de son achat, se contenter de l'offre disponible, si tant est qu'une offre l'intéresse. Pour le dire autrement, l'acheteur n'est plus libre de son choix d'achat, sauf à prendre le risque de se retrouver sans choix aucun (épuisé). On assiste ici à un phénomène étrange de dépossession de la capacité à choisir ce que l'on achète.
2/ Ce qui nous conduit à un autre point : l'éphémère. Je m'en suis aperçu à travers deux titres : Elder Craft et son Pacte d'insmouth, et Le slasher dont vous êtes le héros (je ne connais pas la maison d'édition). Comme il s'agit d'action internet limitée dans le temps, ne sont éligibles pour ces opérations qu'une certaine catégorie de personne, celle qui s'informe régulièrement sur le sujet par internet et qui est d'accord pour passer par une participation collective afin de financer un projet - et le payer. Il ne s'agit pas, évidemment, de critiquer cette nouvelle façon de financer un projet. Mais simplement d'avancer qu'il génère des inconvénients nouveaux, qui sont, à mon sens, la disparition rapide de l'offre et le volume calibré au nombre d'acheteurs. Pour le dire autrement, puisque les grosses maison d'édition ne prennent plus de risque, celles qui veulent faire naître un nouveau projet font peser le risque sur l'acheteur - risque que cela ne se fasse pas ou risque que le potentiel intéressé ne puisse plus y avoir accès -, accentuant davantage encore cet effet de niche : pour être un acheteur éligible, il faut avoir connaissance du projet et avoir les moyens financiers pour y souscrire, dans le temps imparti. J'estime que l'on assiste non pas à une ouverture, une démocratisation d'un genre, mais à sa singularisation et à terme, à une certaine forme d'isolement.
L'acheteur vaguement collectionneur se retrouve donc pris entre deux feux, avec d'une part des droits inactifs détenus par de grosses maisons d'édition qui choisissent simplement de ne plus les exploiter. Le titre est donc indisponible à jamais. Et les petites structures qui, pour des raisons de coût, proposent des titres sur des stocks extrêmement faibles (et à n'acheter qu'en ligne - une vente en librairie étant pour cette même raison, impossible ; et ce n'est pas la seule) et sur une durée de vie de l'offre incroyablement courte. Ce qui n'est pas sans entraîner à mes yeux, un dommage supplémentaire : la mort silencieuse. À partir du moment où un titre ne fait pas vraiment l'objet de communication, sur le long terme, n'offre pas de possibilités de critique, d'avis, de débat - pour la simple et bonne raison que seul 1 amateur sur 10 le possédera - ne se retrouve pas avec des versions différentes, des promotions, bref, avec une vie après l'édition, il meurt dans les esprits et n'intéressera, au bout d'un moment, strictement plus personne. Il n'y aura qu'une trace pour les quelques 100 ou 200 personnes (je dis un chiffre au pif, ce peut-être 500 ou 700) qui l'auront eu, vu, lu, rangé, puis oublié à leur tour, vaguement. Bref, une particule de l'éphémère comme l'est bien souvent le net (et pour le coup, le monde de l'édition en général avec une frénésie gargantuesque du nombre de titres proposé par an). Reflet assumé de la modernité ? Peut-être. Je ne sais pas. Et je ne parviens pas non plus à savoir, à décider si c'est une bonne ou une mauvaise chose.
Une fois encore, il ne s'agit pas de critiquer les nouvelles stratégies - au vu des différents contextes économiques, je me mets à leur place et comprends les lignes éditoriales envisagées - mais de s'interroger sur celles-ci, sur leur pertinence et sur les impacts qu'elles auront à long terme sur la littéraction ; en replaçant l'acheteur - ou la cible - au cœur de ces interrogations, puisque c'est lui qui porte une partie du risque, c'est lui qui est dépossédé d'une partie de sa capacité à choisir.
Peut-être que d'une manière plus générale, ces interrogations ne sont pas nouvelles, mais elles m'ont récemment interpellé avec une force jusqu'alors, pour moi, insoupçonnée.
Dernière édition par Astre*Solitaire le Lun 27 Déc 2021 - 20:10, édité 1 fois
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ALIN V Fléau des Héros
Nombre de messages : 9092 Age : 51 Localisation : Hammardal Loisirs : déchiffrer les étranges signes contenus dans les bulles des BD Date d'inscription : 30/07/2008
Deux petites remarques à cet état des lieux fort bien exposé :
- Les Alkonost sont trouvables dans certaines grandes surfaces donc ils ont mis un pied hors du net...
- Je ne peux parler pour Phi Jay mais Posidonia a réédité dernièrement des titres épuisés et semble donc vouloir maintenir un minimum de stock.
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Astre*Solitaire Champion
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Sujet: Re: L'accessibilité aux nouveautés Mar 28 Déc 2021 - 16:52
@ Alin V : « état des lieux fort bien exposé ». Merci ^^.
J'espère que pour Alkonost, cela fonctionnera. Pour Posidonia, oui, je l'avais constaté. Certains titres sont repassés à « en stock » et d'autres sont devenus « épuisé ». Mais cela montre que la gamme semble se vendre. C'est positif tout ça. J'espère que cela va durer. Je crois que le plus difficile est de faire connaître et faire vivre cette collection auprès du grand public. Mais je me trompe peut-être.
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gynogege Maître d'armes
Nombre de messages : 3712 Age : 50 Localisation : Seine et Marne Date d'inscription : 26/09/2014
Sujet: Re: L'accessibilité aux nouveautés Jeu 30 Déc 2021 - 9:34
Le point est assez complet il me semble. Comme dit Alin V, Alkonost, mais aussi Posidonia comme j'ai pu le constater, sont disponibles en grande surface. Mais ça ne résout pas la question des stocks. Les stocks coûtent chers, encore plus dans cette conjoncture, et ça m'étonnerait que le problème soit limité aux ldvelh. Il y a une vraie crise du livre physique (et de la BD). D'un autre côté les éditions de ldvelh purement numériques sont mortes très vite, donc il y a une demande véritable pour l'objet physique. C'est paradoxal. Une demande existante, solide, mais pas assez massive pour intéresser les "grandes" maisons d'édition. D'où l'émergence de ces structures associatives, qui reposent sur une bonne part de travail gratuit, et toute la fragilité qui va avec. Je nuancerai enfin avec le fait que le ldvelh old "school" est moins prisé que de nouvelles formes (escape book ou règles plus légères) que l'on trouve beaucoup en grandes surfaces.
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djino Maître d'armes
Nombre de messages : 653 Age : 49 Localisation : Limousin Profession : Caméléon (j'ai fait tellement de choses différentes dans ma vie...) Loisirs : Ma fille, fitness, cuisine, jeux de société, lecture, aromathérapie Date d'inscription : 08/10/2018
Sujet: Re: L'accessibilité aux nouveautés Jeu 30 Déc 2021 - 9:52
Merci pour ce point sur le marché. C'est très bien exposé.
PileouFace Maître d'armes
Nombre de messages : 919 Date d'inscription : 24/07/2013
Sujet: Re: L'accessibilité aux nouveautés Jeu 30 Déc 2021 - 20:16
"C'est paradoxal. Une demande existante, solide, mais pas assez massive pour intéresser les "grandes" maisons d'édition. D'où l'émergence de ces structures associatives, qui reposent sur une bonne part de travail gratuit, et toute la fragilité qui va avec" Bien dit. C'est aussi valable pour mon magazine Le Marteau & L'Enclume : tout ou presque repose sur mes petites épaules, et le jour où je jette l'éponge, cela n'existera plus.
"les éditions de ldvelh purement numériques sont mortes très vite" C'est aussi valable pour le mag : les ventes des versions numériques sont en chute libre depuis que je propose aussi des versions papier. Pour le numéro Loup Solitaire, je reçois quasi chaque jour une demande de date de sortie de la version papier et je constate que les gens préfèrent attendre plutôt que de prendre la version dispo en numérique. Mais on continue à assurer les deux formats (ce qui exige un double boulot de mise en page) car le mag numérique ne coûte que 5 euros et il faut penser à ceux qui ne veulent / peuvent pas mettre 15 euros, ou tout simplement qui préfèrent emporter leur bibliothèque avec eux.
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Astre*Solitaire Champion
Nombre de messages : 399 Localisation : Vinyamar Date d'inscription : 19/11/2012
Sujet: Re: L'accessibilité aux nouveautés Dim 2 Jan 2022 - 17:02
@ Djino : je ne sais pas si c'est à Alin V, à Gynogege, à moi, ou aux trois que tu t'adresses. Si c'est à moi, merci ^^.
Le marché du livre semble assez stable (sur 3 ans -4 puis +5 et enfin -2,5 %). C'est surtout l'effritement des librairies qui est à craindre en raison de la vente en ligne et de l'explosion de l'offre. Mais les grosses maisons d'édition n'ont pas vraiment de soucis à se faire - elles drainent la moitié des chiffres d'affaire du marché. Le problème c'est, me semble-t-il, le nombre de nouveautés (plus de 60 000 par an), des auteurs (on avance le chiffre de 100 000, ce qui me paraît beaucoup, mais en comptant les rééditions - plus de 50 000 par an - pourquoi pas) et donc des points de vente. Une librairie ne peut avoir tout en stock. C'est matériellement impossible. le choix va donc se porter sur les nouveautés vendeuses - un prix Goncourt... allez, un prix Nébula ; un Astérix (recordman toute catégorie)... allez, le dernier One Piece - mais pas l'escape book inconnu ou le dernier slasher anti-héros. À cela vient s'ajouter probablement le poids de la maison d'édition : Gallimard aura sûrement plus de facilités pour obtenir une tête de gondole, ou un présentoir, qu'un petit éditeur local qui va devoir batailler pour simplement être mis dans le bas du rayon Fantasie. Il me semble que l'offre est aujourd'hui pléthorique et que c'est l'une des raisons de ces problématiques.
On aurait effectivement pu penser que le numérique aurait réglé le problème. Et je suis le premier surpris à lire que non. Les clients veulent du livre (du mag.) papier ; et moi le premier. Mais que faire ou comment faire sans stock et sans visibilité ? Telle est la question (même s'ily en a deux) ?
Sources : La finance pour tous ; Expodif ; sne.
Angakelst Guerrier
Nombre de messages : 107 Age : 44 Localisation : Collines ariégeoises et maléfiques Loisirs : Rock n roll, métal, JDR et de plateaux, jeux vidéos, Date d'inscription : 30/03/2016
Sujet: Re: L'accessibilité aux nouveautés Dim 3 Avr 2022 - 16:37
PileouFace a écrit:
"C'est paradoxal. Une demande existante, solide, mais pas assez massive pour intéresser les "grandes" maisons d'édition. D'où l'émergence de ces structures associatives, qui reposent sur une bonne part de travail gratuit, et toute la fragilité qui va avec" Bien dit. C'est aussi valable pour mon magazine Le Marteau & L'Enclume : tout ou presque repose sur mes petites épaules, et le jour où je jette l'éponge, cela n'existera plus.
"les éditions de ldvelh purement numériques sont mortes très vite" C'est aussi valable pour le mag : les ventes des versions numériques sont en chute libre depuis que je propose aussi des versions papier. Pour le numéro Loup Solitaire, je reçois quasi chaque jour une demande de date de sortie de la version papier et je constate que les gens préfèrent attendre plutôt que de prendre la version dispo en numérique. Mais on continue à assurer les deux formats (ce qui exige un double boulot de mise en page) car le mag numérique ne coûte que 5 euros et il faut penser à ceux qui ne veulent / peuvent pas mettre 15 euros, ou tout simplement qui préfèrent emporter leur bibliothèque avec eux.
Oh ben m...!! Au détour de ce topic j'apprends que c'est toi qui est à la base du marteau & l'enclume! Je suis tombé sur ce mag (le numéro "spécial Sorcellerie") par hasard sur un site bien connu alors que je cherchais le spell book de Sorcellerie et éventuellement tout ce qui pouvait graviter autour de cette série. Me demandant ce que c'était que cet ovni, je l'ai acheté. Comme je m'en félicite!! Et du coup, comme je te félicite!! Je me suis régalé à le lire! Un grand bravo doublé d'un immense merci!
Voilà, désolé pour le hors sujet
Angakelst Guerrier
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Sujet: Re: L'accessibilité aux nouveautés Dim 3 Avr 2022 - 16:41
Plus dans le cadre du topic. Est ce que ce phénomène concernant les LDVELH se constate aussi à l'étranger? J'ai la sensation que les Anglais et les Italiens n'ont pas (ou ont moins) ce problème. Rééditions plus nombreuses, disponibilités plus longue. Peut être que je me trompe...?
Astre*Solitaire Champion
Nombre de messages : 399 Localisation : Vinyamar Date d'inscription : 19/11/2012
Sujet: Re: L'accessibilité aux nouveautés Mer 13 Avr 2022 - 17:08
Bonne question. Faudrait que je regarde le marché allemand que je connais assez peu mais où acheter les différents volumes ne serait plus un problème, ni lire les différents forums. Il me semble d'ailleurs qu'il s'agit surtout de Mantikor Verlag, mais là encore, faudrait que je vérifie. Je note ça dans un coin de ma tête.