LA MORT

cdang a écrit:

On se pointe au cimetière avec une mine de circonstance (on ne la connaît pas cette gamine). Le corbillard arrive, il lève le rideau et là putain c'est tout petit ! Un cercueil d'enfant, de la taille de ton propre fils. Énorme choc.

Je veux bien te croire, cdang. Rien n'est pire émotionnellement parlant que d'assister à l'enterrement d'un enfant. D'ailleurs, je suis assez sensible là-dessus et quand je vois des enfants victimes de bombes ou d'assassins au JT je ne peux m'empêcher d'être ému, même si je ne les connaissais pas.

Quelles expériences ! J'ai eu un choc analogue quand j'ai appris que deux de mes camarades de Sorbonne faisaient partie des victimes de l'attentat du 13 novembre au Bataclan. Je suivais un cours avec l'une d'elles. On était sept une semaine, la suivante, on était six. Le cours fut pénible, notre prof était complètement bouleversée (nous aussi). Le pire, c'est quand j'ai rencontré ses parents quelques semaines plus tard à l'occasion d'une cérémonie en hommage à mes deux consoeurs. Toutes les paroles de compassion et de réconfort que vous voudriez dire paraissent vaines, on se sent idiot. Ca vous secoue.

Je me rappelle avoir fondu en larmes quand j'ai appris que la mère d'un de mes potes (15 ans) s'est suicidée, je ne savais pas pourquoi je pleurais alors que je ne l'avais jamais vue. A croire que quand vous connaissez quelqu'un, même sans s'y attacher, vous ne sortez pas tout à fait indemne de telles nouvelles, a fortiori pour quelqu'un comme moi hypersensible (c'est parfois un poids lourd à porter de ressentir les émotions multipliées par 10 que la plupart des mortels).

La compassion, littéralement « souffrir avec ». Je ne pleure pas de tristesse, je pleure avec l'autre, parce que l'autre pleure. C'est ce qui crée le lien humain.

Les paroles, oui, elles sont souvent vaines mais c'est pas grave : l'important c'est de dire qu'on est là, qu'on est venu pour la personne qui est morte, qu'on est venu pour les proches qui lui survivent.

Le truc que je redoute le plus, c'est le coup de fil de condoléances. Le premier que j'ai passé, la sœur de la défunte m'a dit « quand le téléphone sonne on frissonne, on sait que c'est pour ça ». Maintenant, je ne fais ça que pour les très proches amis ou la famille directe, les gens à qui j'ai vraiment des choses à dire, sinon j'écris (ou je me déplace si je peux).

@ Gorak : Ne travaille pas en milieu hospitalier alors, parce que quand tu passes en pédiatrie... La première fois, j'en ai chialé et déprimé toute la soirée.
Mais comment faire autrement ? La plupart de ces gosses continuent à sourire, à rire même, malgré la douleur, les perfusions, l'immobilisme... Et beaucoup sont seuls, les parents n'ont pas toujours le temps de rester avec eux. Tu peux pas refuser de bavarder un petit moment avec eux, surtout quand ils te voient passer ou te croisent dans les couloirs, te reconnaissent et te disent bonjour... On a beau dire qu'il faut essayer de ne pas t'attacher, comment repousser un gosse malade ?

Et puis, des fois, t'arrives le matin et tu dis : "Tiens, je vais monter dire bonjour au petit X". Et là, on te répond :"Pas la peine, il est mort cette nuit".
OK, la journée commence fort... Mais bon, c'est la vie...

Voyageur Solitaire a écrit:

Mais comment faire autrement ? La plupart de ces gosses continuent à sourire, à rire même, malgré la douleur, les perfusions, l'immobilisme... Et beaucoup sont seuls, les parents n'ont pas toujours le temps de rester avec eux. Tu peux pas refuser de bavarder un petit moment avec eux, surtout quand ils te voient passer ou te croisent dans les couloirs, te reconnaissent et te disent bonjour... On a beau dire qu'il faut essayer de ne pas t'attacher, comment repousser un gosse malade ?

Je sais, VS. Les enfants malades sont souvent très matures pour leur âge et d'un optimisme incroyable malgré les souffrances. D'une lucidité même désarmante pour la plupart des médecins et des infirmières qui s'occupent d'eux.

La vie ne donne pas les mêmes cartes à tout le monde. Mais pour certains la donne est vraiment faussée dès le départ. Pourquoi ? Pourquoi cela doit-il tomber sur des enfants ?

En fait, il y a des pays dans le monde où plus d'un enfant sur dix meurt avant ses un an
https://fr.wikipedia.org/wiki/Mortalit%C3%A9_infantile
et en France, en 1740, c'était presque un enfant sur trois !
https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/memos-demo/focus/la-mortalite-infantile-en-france/

Donc, la mort d'un enfant c'est finalement quelque chose de pas si exceptionnel que ça. Nos conditions de vie occidentales ont rendu le phénomène très rare, en deux siècles et demi on a divisé le nombre par 100 ; ça nous est d'autant plus insupportable mais au fond il faut s'en réjouir.

La mortalité infantile a longtemps été un fléau. Dans les familles (même aisées) de plusieurs enfants, il y en avait souvent un ou deux perdus en bas âge.
Et pendant longtemps également, accoucher restait un moment délicat, voire dangereux : beaucoup de femmes décédaient des suites d'un accouchement difficile (hémorragies, infection...).

Moi aussi, j'en ai un assez joyeux comme ça

Beaucoup moins lyrique, sur la mienne se trouverait :

"Je n'avais pas demandé de pierre tombale, franchement c'est pas cool... *boude* "

Voyageur Solitaire a écrit:

Je vous emmerde

Ben non, justement. Tu peux plus et c'est ça qui est triste.

Tabasko le Noir a écrit:

Voyageur Solitaire a écrit:

Je vous emmerde

Ben non, justement. Tu peux plus et c'est ça qui est triste.

Par contre, les pigeons qui passeront sur ça tombe...
Au final, c'est lui qui sera emmerdé

Voyageur Solitaire a écrit:

Je vous emmerde

Marrant, tentant mais... non... il y a quand même des gens que je connais et qui, je n'en doute pas, auront de la peine à l'annonce de mon décès. Je ne peux pas leur faire ça.

D'ailleurs, je veillerais à indiquer sur mon testament qu'il y ait toujours une ou deux bouteilles de champagne derrière ma pierre tombale pour que mes amis viennent boire à ma mémoire, à défaut de le faire à ma santé.

Je mettrais juste un "Servez-vous" pour indiquer l'endroit.

Autant rester dans l'esprit niveau épitaphe, la mienne :

"Deux dés, un crayon et une gomme sont les seuls accessoires dont vous aurez besoin pour vivre cette aventure. Vous seul déciderez de la route à suivre, des risques à courir et des créatures à combattre. Alors, bonne chance..."

"Rendez-vous au 14" c'est pas mal non plus ?

Sinon, j'aime bcp la passe d'arme (à distance) qu'avaient eu à ce propos Sacha Guitry et son ex-femme (Yvonne Printemps si je ne m'abuse)

- Pour elle : "Enfin froide"
- Pour lui : "Enfin raide"

C'est vachard à souhait.

"Je vous avez bien dit que je n'allais pas bien"...

Elle déchire celle là...

"Longtemps je me suis levé de bonne heure... Plus maintenant".

"Merci pour ce moment" (Ah merde, c'est déjà pris)

Je suis venu, j'ai vécu, j'ai mouru.

Je crois que ce qu'il y a de pire dans la mort, au final, c'est de perdre tous ceux qui nous chers : nos parents, nos amis.
C'est un moment que l'on redoute tous. On le sait pourtant qu'un jour cela finira par arriver, fatalement. Mais ça ne fait rien : on y pense et ça nous génère une boule au ventre.

Parce qu'après cette terrible épreuve, il faudra continuer à vivre. C'est ça qui est le plus dur : vivre avec un vide qui ne sera plus jamais comblé.

Voyageur Solitaire a écrit:

La vie est une maladie mortelle

J'en connais une autre : la vie est une MST

Gorak a écrit:

Je crois que ce qu'il y a de pire dans la mort, au final, c'est de perdre tous ceux qui nous chers : nos parents, nos amis.

Les anciens Grecs disaient d'ailleurs qu'il ne faut pas vivre vieux parce qu'on court alors le risque de voir mourir ses enfants.